Ces pressions engendrent d’ores et déjà des conflits d’usage qui seront exacerbés par les conséquences du changement climatique (EFESE, 2018). Si les eaux continentales ne représentent que 0.8% de la surface de la terre, elles abritent presque 6% des espèces connues et un tiers des espèces de vertébrés. De plus, la baisse de la biodiversité y est plus forte que dans les autres systèmes : -55%, contre -25% pour les espèces marines ou terrestres (autres que micro-organismes) entre 1970 et 2000 (source : WWF-UNEP-WCMC).

Les milieux aquatiques continentaux représentent donc des écosystèmes pour lesquels l’enjeu vis-à-vis de la perte de biodiversité est très fort. Cette érosion de la biodiversité plus rapide que dans d’autres systèmes (30% de perte de biodiversité supplémentaire) peut s’expliquer par deux facteurs : leurs caractéristiques spatiales intrinsèques et la forte pression anthropique.

Sur le premier point, la distribution en patchs des lacs et des mares ainsi que la structure hiérarchique et unidirectionnelle des écosystèmes d’eau courante impliquent que les échanges entre populations isolées sont beaucoup plus difficiles que pour les populations qui vivent dans des systèmes multidirectionnels ou dans des systèmes en patchs pour lesquels la matrice possède un certain nombre de corridors. Ainsi, le caractère endémique des espèces y est plus fort que dans les autres milieux et le risque de consanguinité plus élevé.

Ce risque a été largement exacerbé par les multiples barrières infranchissables qui ont été érigées sur les cours d’eau limitant les échanges et donc la diversité génétique. Par ailleurs, ces barrières modifient l’habitat, l’hydrologie, la géomorphologie et surtout la continuité écologique, diminuant la capacité d’accueil et aboutissant parfois à la disparition pure et simple d’une population voire d’une espèce.

Barrage Darguy mars 2023 ©INRAE-GLISE
Barrage Dargy en mars 2023 avant destruction © ©INRAE-GLISE.jpg

La fragmentation n’est pas identifiée en tant que telle par Strayer & Dudgeon (2010) dans les principales menaces pesant sur la biodiversité aquatique. Cependant, ses conséquences, destruction ou dégradation de l’habitat et modifications locales des régimes hydrologiques, y apparaissent au côté de la surexploitation, de la pollution des eaux et des espèces invasives.

Se surimpose à ces menaces le réchauffement de l’eau et la modification du régime des précipitations et des débits liés au changement climatique. Il s’agit là de changements majeurs intervenant à une échelle plus globale, et qui sont supposés accélérer l’érosion de la biodiversité dans les milieux aquatiques continentaux.

Crue de la Nivelle en 2016 ©INRAE-GLISE
Crue Nivelle 2016

Les menaces sur la biodiversité dans les eaux continentales interagissent entre elles rendant extrêmement complexe la compréhension de leurs conséquences sur les populations et les peuplements. La prise en compte de cette complexité est donc un véritable défi. Ainsi, pour évaluer et prévoir les conséquences des menaces (locales et globales) sur la biodiversité aquatique, il est nécessaire de prendre en compte leurs interactions potentielles.

Pour évaluer les tendances et identifier les facteurs potentiellement impliqués, il faut pouvoir se rapporter à des données collectées sur le long terme qui permettent de relier les changements du milieu aux espèces ou aux populations cibles. Pour aller plus loin, au-delà des corrélations mises en évidence, il est aussi nécessaire de mener des approches expérimentales. C’est par la manipulation contrôlée des différents facteurs impliqués qu’il est possible de démêler les interactions, et d’identifier les mécanismes à l’œuvre.

L’IR LIFE affiche l’ambition de mettre à la disposition de la communauté scientifique des outils, des données et des moyens adaptés à de tels enjeux. Ses installations et ses moyens techniques et technologiques, ses compétences, ses bases de données à long terme (35-50 ans) et ses collections sont tout à fait adaptés pour s’inscrire dans les défis aussi bien scientifiques que sociétaux liés à une telle thématique.

Les milieux ciblés sont à la fois les plans d’eau (lacs ou étangs) et les cours d’eau (du chevelu amont aux estuaires).

Filtration ADNe Dordogne - Garonne 2019 - Inrae_RLeBarh
Filtration ADNe Dordogne - Garonne 2019

Concernant les espèces, LIFE affiche des compétences sur les poissons mais aussi sur l’ensemble de la biocénose : communautés microbiennes, végétaux (micro/macrophytes), zooplancton, invertébrés.

Les nombreuses installations embarquées dans LIFE associées aux compétences de son personnel permettent d’envisager des expérimentations sur du court au moyen-terme avec évaluation de l’action combinée de différents facteurs de l’environnement sur les individus, les populations ou les communautés.

Les suivis long terme et les collections représentent des données précieuses, notamment pour prédire les effets du changement climatique.